Dans un monde instable, la défense devient un enjeu transversal. Elle doit intégrer les menaces hybrides — cyber, informationnelles, énergétiques — et s’adapter à des conflits aux formes nouvelles, où sécurité, souveraineté et résilience stratégique sont étroitement liées.

Dans un contexte international instable, marqué par la guerre en Ukraine, le possible désengagement américain, les tensions commerciales, et la montée des conflits hybrides, la politique de défense belge se situe à un moment charnière. Le budget 2025, qui atteint dès cette année le seuil des 2 % du PIB consacré à la défense — initialement prévu pour 2029 —, constitue un signal stratégique fort.

Ce choix repose sur une double orientation : d’une part, le respect des engagements vis-à-vis de l’OTAN ; d’autre part, la volonté de contribuer à une Europe de la défense plus autonome, complémentaire à l’Alliance. Dans l’hypothèse d’un retrait américain, l’Europe doit être en capacité d’assurer seule sa sécurité. La Belgique est appelée à jouer un rôle moteur dans ce repositionnement.

Le financement de cet effort repose sur des leviers exceptionnels : fiscalité sur les avoirs russes gelés, dividende exceptionnel de Belfius, déficit temporaire autorisé via le programme européen ReArm Europe. Toutefois, cette architecture financière reste incertaine et appelle une clarification du cadre juridique et du périmètre exact des dépenses éligibles dans les 2 % du PIB.

Au-delà de l’année 2025, la trajectoire reste ouverte. Deux options sont envisagées : le maintien du niveau atteint ou une montée progressive vers 3,5 %, voire 5 %, conformément aux suggestions de l’OTAN et des partenaires américains. Dans ce contexte, une nouvelle Loi de Programmation Militaire et une Vision stratégique de long terme doivent être élaborées, en cohérence avec les priorités européennes (capacité, haute technologie, infrastructures critiques) et les objectifs capacitaires de l’OTAN.

Parallèlement, le renforcement des capacités humaines constitue un enjeu central. Le recrutement, la formation, la fidélisation, la féminisation, ainsi que la transformation des parcours professionnels doivent faire l’objet d’une politique active pour répondre à la forte attrition constatée.

La mutation de la nature des conflits appelle également une adaptation doctrinale. La guerre hybride — cyberattaques, désinformation, sabotage, pressions migratoires ou énergétiques — impose une réponse globale et intégrée. Cette approche suppose un commandement agile, des services de renseignement interconnectés, une gouvernance commune de la sécurité, ainsi que le développement de partenariats avec les acteurs publics et privés du secteur technologique.

Enfin, la clarification du positionnement belge est attendue à l’approche du sommet de l’OTAN de La Haye. L’affirmation d’une Europe de la défense solide et crédible est désormais perçue comme une condition de survie pour l’Alliance transatlantique elle-même. Une parole stratégique, lisible et cohérente est nécessaire à tous les niveaux pour assurer la sécurité collective et la souveraineté européenne à long terme.