🇷🇺 La Russie menace-t-elle l’Europe ?
Analyse stratégique en quatre points
A l’invitation de Sacha Daout, j’ai participé ce mercredi sur la RTBF à l’émission QR consacré à la menace russe.
L’occasion d’aborder quatre réflexions centrales dans le débat actuel:
1. La Russie va-t-elle passer à l’offensive ?
« La meilleure façon de ne pas faire la guerre, c’est de montrer que nous sommes capables de la gagner. »
La possibilité d’une offensive russe en Europe n’appartient plus au seul registre de la spéculation. Le réarmement rapide de Moscou, les actions hybrides menées sur le continent et la multiplication des provocations militaires sont autant de signaux qui invitent à un principe simple : espérer la paix, mais préparer la guerre.
L’histoire récente nous enseigne qu’une puissance révisionniste progresse surtout lorsque la faiblesse d’en face lui en laisse l’opportunité.
Dans ce contexte, la dissuasion demeure centrale. Affirmer que l’Europe doit être capable de gagner une guerre n’a rien d’un réflexe belliciste ; c’est au contraire la condition de prévention du conflit.
Une Europe forte, crédible et cohérente réduit mécaniquement le risque de confrontation. L’impréparation, elle, attire l’agression.
2. Diplomatie : le retour du rapport de force
« L’Europe est une grande puissance — mais plus ses pays membres individuellement. »
La diplomatie européenne s’inscrit désormais dans un monde où la force l’emporte souvent sur le droit. C’est le retour assumé d’une diplomatie du rapport de puissance. Dans ce cadre, un constat s’impose : les pays membres, isolément, ne peuvent plus être de grandes puissances stratégiques.
La véritable force réside dans l’Union européenne, forte de :
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450 millions d’habitants,
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la 2ᵉ puissance économique mondiale,
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capacités technologiques et industrielles majeures,
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un ancrage militaire inégalé grâce à l’OTAN.
Pourtant, cette puissance potentielle est largement entravée par une faiblesse interne : la fragmentation politique de l’Union.
Lorsque 27 États parlent d’une voix différente, la cohérence stratégique s’efface — et Moscou exploite méthodiquement ces divisions.
La menace ne vient donc pas seulement de l’extérieur : elle tient aussi à notre incapacité à agir ensemble.
3. Préparation militaire : sommes-nous prêts ?
Réponse : oui… à condition de poursuivre l’effort.
Contrairement à une idée répandue, les armées européennes ne sont pas démunies. Le réarmement engagé depuis 2022 est tangible : augmentation des budgets, reconstitution des stocks, montée en puissance de l’industrie, renforcement du flanc Est de l’OTAN, coopération accrue.
Aujourd’hui, on peut affirmer que l’Europe est capable de se défendre, surtout dans le cadre de l’Alliance atlantique.
Mais cette préparation n’est jamais acquise : elle doit être entretenue et accélérée.
Pour rester crédible, l’Europe doit :
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développer sa base industrielle de défense ;
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harmoniser ses équipements ;
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investir massivement dans les systèmes antimissiles, le cyber et le spatial ;
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maintenir un effort budgétaire durable.
Être prêt aujourd’hui ne garantit pas de l’être demain, surtout si la Russie intensifie son propre réarmement. La vigilance doit être permanente.
4. Les États-Unis de Trump : une incertitude stratégique
« On ne peut prédire ce qu’il ferait — mais il faut s’y préparer. »
L’engagement américain constitue aujourd’hui l’une des principales inconnues de la sécurité européenne.
Que ferait Donald Trump en cas d’attaque contre un État membre de l’OTAN ?
Aucune réponse certaine n’existe — et ce flou, déjà en soi, est un signal d’alarme.
Face à cette incertitude, l’Europe doit être capable d’assurer sa propre défense, même si Washington hésite.
Ce n’est pas un geste de défiance ; c’est du réalisme stratégique.
L’OTAN demeure indispensable, et les États-Unis restent un allié essentiel.
Mais la sécurité durable du continent reposera sur une Europe en mesure d’affirmer :
« Nous voulons les Américains à nos côtés, mais notre survie ne dépend plus d’eux. »
Ce basculement mental et stratégique sera déterminant pour la décennie à venir.
Conclusion
La menace russe impose à l’Europe un triple sursaut :
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militaire, pour maintenir une dissuasion crédible ;
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politique, pour dépasser les divisions internes ;
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stratégique, pour devenir autonome dans un monde incertain.
La paix ne se garantit ni par les vœux pieux ni par les discours, mais par la crédibilité.
Et la crédibilité européenne dépend désormais de sa capacité à parler d’une seule voix et à démontrer qu’elle peut se défendre.



