Participez au combat pour nos libertés
Le collectif Ministry of Privacy vient de lancer une campagne de financement participatif pour introduire une requête en annulation contre le projet de datamining bancaire porté par le gouvernement. Ce dispositif, qualifié de Money Control, permettrait à l’État d’analyser de manière automatisée et massive les données financières de l’ensemble des citoyens.
Or, une telle mesure constitue une atteinte grave et disproportionnée aux droits fondamentaux : le droit à la vie privée, la protection des données personnelles et la présomption d’innocence. En mobilisant la société civile et en portant l’affaire devant les juridictions compétentes, l’initiative Stop Money Control vise à empêcher la mise en œuvre d’un outil de surveillance généralisée incompatible avec les principes constitutionnels et les garanties européennes. Le message est clair : la lutte contre la fraude ne peut pas justifier de traiter chaque citoyen comme un suspect.
Au-delà de la discipline de parti : la conviction que la vie privée n’est pas négociable
Il arrive, dans la vie politique, des moments où la loyauté mise à l’épreuve révèle quelque chose de plus profond : une ligne intérieure qu’on ne peut franchir sans se perdre soi-même. Le projet de datamining sur les comptes bancaires des Belges, que certains ont baptisé Money Control, fait partie de ces moments.
S’il prétend servir un objectif légitime, la lutte contre la fraude fiscale, il soulève pourtant une question fondamentale : au nom de quelle efficacité serions-nous prêts à sacrifier l’un des piliers de nos démocraties, la vie privée ?
Cette conviction, je la partage avec Vincent Van Quickenborne qui a fait un travail remarquable et remarqué en argumentant contre ce projet pendant plus de 48 heures en commission.
Ce combat ne devrait pas être un combat de la majorité contre la minorité. Mais bien le combat de tous les démocrates.
C’est la raison pour laquelle nous avons décidé, ensemble de soutenir l’initiative de Ministry of Privacy.
Quand la technologie bascule dans la suspicion généralisée
Le cinéma, parfois, devine nos dérives avant qu’elles ne se manifestent. Le film Minority Report, de Steven Spielberg, imaginait un monde où l’on prévient les crimes avant qu’ils n’aient lieu. Une prouesse… au prix de l’érosion totale de l’intimité humaine.
Ce qui relevait hier de la fiction ressemble aujourd’hui à une tentation bien réelle : faire de chacun un suspect potentiel, non pas pour ce qu’il a fait, mais pour ce qu’il pourrait un jour faire.
Le datamining généralisé sur les comptes bancaires ouvre la porte à ce glissement. En permettant à l’État de balayer massivement les données financières de millions de personnes sans motif individuel, on renverse un principe essentiel :
dans un État de droit, ce n’est pas au citoyen de prouver qu’il est innocent, c’est à l’autorité de justifier l’enquête.
La proportionnalité : le grand oublié du débat
Nul ne conteste la nécessité de lutter contre la fraude fiscale. Mais la force d’un État démocratique ne réside pas seulement dans sa capacité à poursuivre les déviants ; elle repose aussi sur la proportionnalité des moyens employés.
Or, ce principe fondamental semble avoir été relégué au second plan. En voulant traquer les fraudeurs par des méthodes globales, on soumet l’ensemble de la population, sans exception, à une surveillance qui piétine la vie privée.
Une société libre ne peut se construire sur la présomption de faute.
Un conflit de loyauté… tranché par la conscience
Face à ce texte, je suis placé devant une tension intime. D’un côté, la discipline politique, les compromis de gouvernement. De l’autre, une conviction profonde, viscérale : une démocratie ne doit jamais normaliser l’intrusion dans la sphère privée de ses citoyens.
Ce conflit de loyauté, je l’ai tranché avec un geste sobre mais porteur d’une grande conviction :
ni contre pour par respect pour les accords posés
ni pour car ce texte est inacceptable pour moi
Je n’ai pas souhaité participer au vote malgré des pressions inadmissibles dans une démocratie parlementaire afin de me forcer à voter pour.
Un texte potentiellement illégal et contraire à la Constitution belge et aux droits fondamentaux consacrés par le droit européen
Au-delà du débat politique, des questions juridiques majeures se posent.
Selon moi, le dispositif de datamining prévu :
-
heurte la Constitution belge,
-
contrevient au RGPD, qui protège strictement les données personnelles,
-
entre en tension avec l’AI Act, récemment adopté pour encadrer les usages automatisés à haut risque.
Face à ces préoccupations légitimes, je soutiens l’action du Ministry of Privacy. Cette action prend tout son sens. Lorsque la loi franchit un seuil dangereux, les citoyens deviennent un ultime rempart.
Redire haut et fort que la vie privée est une valeur démocratique
On entend souvent cet argument, devenu presque banal : « Si vous n’avez rien à vous reprocher, pourquoi vous inquiéter ? »
Mais cette phrase, derrière son apparente logique, détruit l’idée même de liberté.
La vie privée n’est pas un refuge pour coupables : c’est l’espace mental et social dans lequel chaque individu peut exister sans être réduit à une donnée exploitable.
L’oublier, c’est renoncer à une part de notre humanité.
Restaurer ce qui fonde la relation entre l’État et le citoyen : la confiance
Un État qui scrute par défaut, qui cherche avant même de soupçonner, qui fouille avant même de questionner, renverse l’ordre démocratique.
La relation entre le citoyen et l’autorité publique ne peut reposer sur la peur, la méfiance ou la surveillance préventive.
Elle doit reposer sur la confiance et le respect mutuel.
Aujourd’hui, ce n’est plus seulement une conviction, c’est un combat.
Un combat pour rappeler que la technologie n’est qu’un outil au service des valeurs fondamentales, pas une qu’on manipule à la légère pour affaiblir les droits fondamentaux.
Un combat pour redire que la vie privée n’est pas un vestige du passé mais une condition de la liberté.
Un combat, enfin, pour prévenir une dérive avant qu’elle ne devienne irréversible.
Dire “stop” tant qu’il est encore temps
Nous sommes à un carrefour :
-
soit nous acceptons, par lassitude ou indifférence, que nos données les plus sensibles deviennent la matière première d’un contrôle permanent ;
-
soit nous affirmons, ensemble, qu’une démocratie véritable ne traite pas ses citoyens comme des suspects.
Aujourd’hui, il est temps de dire stop.
De refuser cette normalisation insidieuse de la surveillance.
De défendre la vie privée comme un bien commun, non négociable.
Car une société qui renonce à sa vie privée renonce, tôt ou tard, à sa liberté.



