Le Parti Socialiste a récemment décidé de rompre unilatéralement la pratique du pairage au Parlement, invoquant un climat de tension politique et interpersonnelle inhabituellement élevé. Ce choix marque un tournant dans la vie parlementaire belge : le budget a, pour la première fois, été voté sans pairage, mettant à l’épreuve la capacité de la majorité à réunir un quorum suffisant en toutes circonstances.
Jusqu’alors, le pairage permettait de compenser les absences ponctuelles, notamment pour raisons de santé ou de déplacement, sans que cela ne modifie l’équilibre des forces politiques dans l’hémicycle. Mais en l’absence de cette pratique, chaque voix devient cruciale, y compris celles des parlementaires malades ou absents de longue durée. La majorité se voit ainsi contrainte d’être présente en bloc pour chaque vote, sous peine de voir ses projets bloqués, même si elle dispose théoriquement d’une majorité légitime.
Ce changement transforme le quorum de présence — qui devrait être une formalité technique — en véritable instrument de pression politique. La minorité peut désormais faire échouer une séance ou retarder un vote stratégique simplement en mettant en évidence l’incapacité temporaire de la majorité à réunir ses membres au complet. D’où la fébrilité de certains partis observée lors des séances du budget 2025.
Ce glissement pose une question fondamentale : la pratique du pairage est-elle un luxe de temps apaisés ou un pilier discret de la stabilité démocratique ?
Qu’est-ce que le pairage ?
Le pairage (ou pairing, en anglais) est une pratique coutumière non écrite qui vise à maintenir l’équilibre démocratique au sein d’un parlement lors de votes, même lorsque certains députés sont temporairement absents. Il repose sur un accord de bonne foi entre partis politiques, généralement entre un membre de la majorité et un membre de l’opposition, par lequel l’un des deux s’abstient de voter pour compenser l’absence de l’autre.
Une pratique issue du parlementarisme britannique
Né au Royaume-Uni au XIXe siècle, le pairage répondait à un besoin de souplesse dans les pratiques parlementaires, à une époque où les absences étaient fréquentes et les communications plus lentes. Le but était d’éviter que des événements extérieurs (maladie, obsèques, mission officielle) ne modifient l’expression démocratique réelle issue des urnes.
Le terme pairing reflète bien l’idée de « faire la paire » : deux députés de camps opposés qui neutralisent volontairement leurs voix respectives pour préserver l’équilibre du vote.
Une règle tacite, un enjeu démocratique
Bien qu’il ne figure dans aucun règlement officiel, le pairage est une pratique reconnue et respectée, encadrée dans les faits par les chefs de groupe. Elle repose sur des principes fondamentaux :
-
Le respect de la majorité démocratique issue des élections.
-
La reconnaissance des imprévus humains dans la vie parlementaire.
-
La préservation de la stabilité des institutions, surtout en cas de majorité étroite.
Lorsqu’il est respecté, le pairage évite que des situations personnelles soient instrumentalisées à des fins politiques. Son interruption, comme c’est le cas actuellement, inverse cette logique : l’absence devient une arme.
Une pression stratégique sur le quorum
En renonçant au pairage, l’opposition — ici en l’occurrence, le Parti Socialiste — choisit de soumettre la majorité à une discipline de présence totale. Chaque vote devient un défi logistique. Chaque absence, une faiblesse potentielle. Dans les faits, cela signifie que le fonctionnement normal du Parlement peut être perturbé non pas par un débat d’idées, mais par une bataille de présences.
Cette dynamique, si elle se prolonge, risque de déstabiliser les rapports de force parlementaires et de favoriser une lecture stratégique du quorum, qui devient un levier politique plus qu’un simple seuil technique.
Une coutume précieuse mais fragile
Dans de nombreux parlements, le pairage reste une pratique vivace, même dans des environnements politiques tendus. Au Royaume-Uni, en Australie ou au Canada, le pairing agreement est considéré comme un symbole de maturité démocratique, reposant sur la parole donnée, la loyauté, et la compréhension que le fonctionnement des institutions prime sur les calculs à court terme.
Mais cette coutume n’est pas à l’abri des tensions. À plusieurs reprises, des ruptures unilatérales ont conduit à des crises de confiance entre partis, voire à des crises institutionnelles, lorsque l’un des camps estimait que la pratique était instrumentalisée.
Et maintenant ?
L’abandon du pairage par une partie de l’opposition belge soulève une question de fond : la démocratie peut-elle fonctionner sans confiance mutuelle entre ses acteurs ? Le droit écrit est certes fondamental, mais il ne saurait suffire à garantir l’esprit démocratique qui anime les institutions. Les coutumes parlementaires comme le pairage sont souvent ce qui permet la fluidité et la stabilité du processus démocratique, au-delà des affrontements politiques légitimes.
En ces temps de polarisation croissante, cette rupture pourrait bien marquer la fin d’une ère de courtoisie institutionnelle, au profit d’un affrontement permanent — où même les absents deviennent des enjeux politiques.
Pour ma part, j’aspire à ce que la courtoisie politique reprenne sa place dans nos démocraties. Elle est une des garanties fondamentales de l’échange respectueux des idées. Mais aussi l’acceptation fondamentale que la vérité ne se recherche que dans le respect mutuel avec l’autre.
Actualités récentes
17 juin 2025
Pour un pilier de défense européen renforcé au sein de l’Otan.
Europeum,Plénière,DSA,DSA,Deputé fédéral,APD (Autorité de Protection des données),MyData,Vie privée,Signalétique contre les Faux profils,Non classé,Agence de l’Algorithme,Portefeuille digital,Connectoo,Digital Minds,Plan IA,Stratégie Smartnation,Digitalisation
11 juin 2025
Interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans ? Une illusion dangereuse face à un enjeu d’éducation global
Europeum,Plénière,DSA,DSA,Deputé fédéral,APD (Autorité de Protection des données),MyData,Vie privée,Signalétique contre les Faux profils,Non classé,Agence de l’Algorithme,Portefeuille digital,Connectoo,Digital Minds,Plan IA,Stratégie Smartnation,Digitalisation