La Belgique a récemment annoncé un projet ambitieux : investir un milliard d’euros dans la construction de data centers militaires afin de renforcer sa souveraineté numérique. Selon un article de la RTBF, ce plan, inscrit dans la loi de programmation militaire 2026-2029, représente une avancée stratégique majeure pour notre pays.
Certains y verront une dépense. En réalité, c’est un investissement vital pour l’avenir, non seulement de notre défense, mais aussi de notre autonomie stratégique et de notre sécurité collective.
1. Un outil de souveraineté, pas seulement de défense
Comme le rappelle la RTBF, ces infrastructures de pointe seront conçues pour gérer en temps réel les volumes massifs de données générées par drones, satellites ou systèmes d’armes modernes. Leur valeur ne réside pas uniquement dans la technologie, mais dans ce qu’elle garantit : l’indépendance et le contrôle de nos informations stratégiques.
Aujourd’hui, une grande partie des données publiques et privées transite par des géants étrangers. Cette dépendance comporte un double risque : d’une part, le cyberespionnage ou le sabotage ; d’autre part, le chantage géopolitique. Demain, un litige diplomatique pourrait suffire à couper l’accès à nos données critiques. Avec ses propres data centers militaires, la Belgique dit clairement : nos données, notre souveraineté.
2. L’autonomie stratégique au cœur du projet
Dans mes interventions, je défends régulièrement l’idée que l’Europe et la Belgique doivent assumer une ambition d’autonomie stratégique. L’exemple des data centers illustre parfaitement ce principe : accepter de dépendre d’acteurs étrangers pour nos infrastructures numériques essentielles reviendrait à déléguer une partie de notre sécurité nationale.
À l’heure où la guerre se joue aussi – et parfois surtout – dans le cyberespace, ne pas disposer de nos propres bastions numériques serait une faute historique. Ces data centers permettront à la Défense de réagir rapidement, de coordonner ses forces et de sécuriser ses communications en toute indépendance. Ils incarnent ce que devrait être la politique de sécurité d’un État moderne : protéger ses citoyens en maîtrisant ses infrastructures critiques.
3. Un investissement qui profite à toute la société
Si la Défense est la première bénéficiaire, la RTBF souligne que la mutualisation des ressources pourrait profiter à l’ensemble des services publics. Dans un pays où les hôpitaux, les administrations et les collectivités locales sont régulièrement ciblés par des cyberattaques, la mise en place d’infrastructures souveraines est une assurance-vie pour la continuité des services essentiels.
Cet investissement n’est donc pas réservé aux militaires : il constitue un patrimoine numérique national, garantissant la sécurité des citoyens et la stabilité de nos institutions.
4. Une réponse aux défis de demain
Les data centers militaires ne sont pas une réponse au monde d’hier, mais au monde de demain. Ils soutiendront l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le champ de bataille, la coordination logistique en temps réel, la gestion de flottes de drones et satellites, ou encore l’analyse instantanée de données stratégiques.
En d’autres termes, ils donneront à la Belgique la capacité de rester maître de son destin dans un environnement international instable. Comme le souligne Alain De Neve, chercheur à l’Institut Royal de la Défense, ces infrastructures ne sont pas une option, mais un levier indispensable pour moderniser nos armées et renforcer leur efficacité opérationnelle.
Conclusion : assumer notre destin numérique
En investissant dans des data centers militaires souverains, la Belgique prend une décision visionnaire. Ce milliard n’est pas une dépense de confort, c’est une assurance d’indépendance, de sécurité et de résilience.
La souveraineté numérique n’est pas un slogan. C’est la condition pour que nos démocraties restent libres de leurs choix et que nos nations puissent protéger leurs citoyens dans un monde où la guerre de demain – et déjà celle d’aujourd’hui – est avant tout une guerre de l’information et des infrastructures.
La Belgique a raison de faire ce choix courageux. Reste maintenant à assumer pleinement cette ambition, à la défendre et à la porter comme un symbole fort : la souveraineté ne se délègue pas, elle se construit.