L’espace aérien de la Belgique a été, ce 4 novembre, partiellement fermé pendant plusieurs heures, après que des drones non identifiés ont été détectés à proximité immédiate de Brussels Airport (Zaventem) et de l’aéroport de Liège.

Nous parlons ici de plusieurs drones de grande taille, volants de façon coordonnée. Un protocole qui ne semble pas être accessible à de simples petits blagueurs…

Si la procédure d’attribution est encore encore cours, il ne fait pas de doute que les auteurs de ces actes disposent de moyens conséquents comparable à ceux d’un Etat.
À l’heure où les menaces hybrides ne sont plus une abstraction mais une réalité bien tangible, cet événement mérite bien plus qu’une gestion technique ou ponctuelle. Il impose une remise à plat complète de notre doctrine de sécurité.

Ce mercredi 5 novembre matin avait lieu une commission spéciale relative aux évènements récents.

Des drones, des fermetures, mais surtout des questions

Ce n’est pas la première fois qu’un site critique belge est survolé par des drones. Il y a quelques jours à peine, c’est la base militaire de Kleine-Brogel qui avait été survolée par plusieurs engins. Et voici que l’aéroport civil le plus stratégique du pays, Zaventem, est forcé à l’arrêt.

La réaction a été rapide : fermeture de l’espace aérien, déroutement de vols, activation des services de sécurité. Mais aucune interception effective, aucun auteur identifié. Et surtout, une question centrale : sommes-nous prêts à affronter ce type de menaces ?

« Ce n’est plus de la théorie, c’est de la pratique »

Lors de la commission Défense du Parlement fédéral, j’ai tenu à exprimer une inquiétude partagée : la menace drone n’est plus un simple scénario de film ou d’analyse stratégique. Elle est désormais un outil réel d’agression hybride, qui teste nos lignes de défense, notre coordination, notre doctrine et notre réactivité.

« Oui, ça ressemble à une attaque hybride… Nous en avons beaucoup parlé… Ce n’est plus de la théorie, c’est de la pratique. »

Il ne s’agit pas ici de science-fiction ou de paranoïa sécuritaire. Il s’agit de notre capacité, en tant qu’État souverain, à protéger notre ciel, nos citoyens et nos infrastructures.

1. Capacité de réaction immédiate : le temps presse

Face à l’urgence, une question s’impose :

Qu’avons-nous aujourd’hui, en Belgique, pour intercepter un drone volant au-dessus d’une infrastructure critique ?

Les radars traditionnels ne suffisent pas toujours. Certains drones sont filoguidés ou opérés en mode autonome. Il faut donc des technologies spécifiques de détection, de neutralisation, de brouillage et surtout, une chaîne de décision opérationnelle agile et efficace.

« La recherche sur de futures solutions est importante, mais la menace est déjà là. »

Des budgets ont été votés. Un plan a été annoncé. Mais la vraie question est celle de la disponibilité immédiate : dispose-t-on concrètement de brouilleurs ? de drones-intercepteurs ? de radars de basse altitude dédiés ? Si ce n’est pas encore le cas, alors l’urgence n’est plus théorique, elle est tactique. La mobilisation des moyens ne peut pas souffrir de retards administratifs. Le rôle du Ministre du Budget est aussi essentiel.

2. Cette menace, on la connaît depuis longtemps

Il est d’autant plus troublant que cette situation semble nous « surprendre ». Pourtant, les usages militaires des drones en Ukraine, en Syrie ou dans le Caucase nous ont appris leur efficacité pour l’espionnage, la perturbation ou la destruction ciblée.

Alors, quelles mesures avaient été prises dans la législature précédente ?

Y avait-il un plan de protection des infrastructures critiques face aux drones ?

« Je suis surpris qu’on semble découvrir aujourd’hui cette menace comme si elle n’avait jamais existé. »

Il est temps d’assumer collectivement ce retard et de rattraper l’agenda stratégique.

3. Une menace hybride exige une réponse intégrée

Le survol de Zaventem n’est ni totalement militaire, ni totalement civil. Il est hybride, au sens plein du terme :

  • il touche aux chaînes logistiques,

  • menace la défense aérienne,

  • peut être utilisé pour de l’espionnage, du sabotage ou de l’intimidation.

Il impose donc une coordination parfaite entre le ministère de la Défense et celui de l’Intérieur mais aussi celui de la Mobilité. Et ce, tant en matière de doctrine que d’investissements, de formations et de commandement.

« Il faut éviter les doublons, harmoniser la gouvernance et s’assurer que Défense et Intérieur travaillent main dans la main. »

Un Centre de commandement national anti-drones ? Une cellule opérationnelle interservices ? Une doctrine commune ? Rien de tout cela n’est superflu : c’est devenu indispensable.

4. L’OTAN et la programmation militaire : une Stratégie à la traîne ?

Ce n’est pas un sujet belge uniquement. L’ensemble des pays européens ont vu se multiplier ce type d’attaques non revendiquées, souvent dans des zones proches d’infrastructures critiques, militaires ou civiles.

Pourtant, les rapports de l’OTAN et la loi belge de programmation militaire semblent ne pas intégrer assez rapidement l’évolution de cette menace.

« Je suis surpris que les projets d’achat récents, comme ceux préconisés par l’OTAN, ne prennent pas suffisamment en compte la vitesse d’évolution de cette menace. »

Il est temps que la Belgique pousse l’Alliance à intégrer les systèmes de lutte anti-drones dans les priorités de défense collective. Mais aussi l’ensemble des menaces hybrides. Et, sur le plan national, que notre loi de programmation militaire intègre ces évolutions majeures.

En conclusion

Pour conclure, ces survols de drones non autorisés doivent être pris pour ce qu’ils sont : des signaux d’alerte qui exigent une réponse stratégique à la hauteur. La Belgique ne peut plus se contenter d’approches sectorielles ou cloisonnées. Ce type de menace appelle une vision à 360 degrés de la sécurité, qui dépasse les silos institutionnels et mise sur une coordination étroite entre la Défense, l’Intérieur, et tous les acteurs concernés.

Par ailleurs, ces événements doivent nourrir notre propre réflexion stratégique, mais aussi celle de l’OTAN. Car face à des menaces hybrides, parfois invisibles, souvent imprévisibles, nous avons besoin d’une vraie agilité. Une capacité à adapter notre doctrine, nos outils, nos partenariats et notre calendrier d’action à la vitesse réelle de l’évolution de la menace. Ce n’est plus une option, c’est une obligation.

Le survol de Zaventem par des drones non identifiés n’est pas un fait divers. C’est un acte de provocation ou de test, qui sonde nos défenses, notre coordination, notre réactivité.

Nous ne pouvons plus répondre à une menace du XXIe siècle avec des moyens du XXe.

Nous avons les moyens techniques, humains et budgétaires. Ce qu’il nous faut désormais, c’est une doctrine, une volonté politique claire, et surtout, l’urgence de l’action.

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