En 2000, Strip-Tease offrait aux téléspectateurs belges un moment d’anthologie : « Une délégation de très haut niveau ». On y voyait des élus s’émerveiller devant la mise en scène millimétrée de Pyongyang : statues gigantesques, enfants chantant la gloire du dirigeant, bibliothèques entières dédiées aux écrits d’un seul homme. C’était grotesque, inquiétant, mais rassurant en un sens : tout cela semblait appartenir à une autre planète, loin de nos démocraties.
Et pourtant.
Vingt-cinq ans plus tard, voilà que le Parti Socialiste inaugure EMILE, sa toute nouvelle École du MIlitantisme et de L’Engagement. Une école, pas pour ouvrir le débat à la société, mais pour former ses propres militants à « mieux comprendre le monde »… selon la grille socialiste.
Sur le papier, le diagnostic de départ est juste : les fake news prolifèrent, les simplismes séduisent, les enjeux planétaires se complexifient. Mais la réponse choisie interroge. Car au lieu de s’inscrire dans une logique de pluralisme démocratique, le PS crée sa propre école de pensée. Ce n’est plus de la pédagogie citoyenne, c’est de l’orthodoxie idéologique.
Le premier module donne déjà le ton : « Les nouveaux défenseurs de la liberté d’expression, la grande supercherie ! ». On ne commence pas par explorer la complexité d’un concept, ni par ouvrir un débat contradictoire, mais par désigner l’ennemi et décréter la vérité. Voilà une bien curieuse conception de la formation à l’esprit critique.
L’histoire regorge pourtant d’exemples de ce type d’écoles :
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En Chine, le Parti communiste a structuré son pouvoir grâce à ses « écoles de cadres », où l’on apprenait à réciter la ligne officielle du Parti plus qu’à la questionner.
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À Cuba, l’« école idéologique » formait les militants à devenir les relais disciplinés de la révolution, avant d’être les acteurs d’un débat.
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En URSS, les instituts de formation marxiste-léniniste n’avaient qu’un objectif : consolider la doctrine, et non émanciper les esprits.
À chaque fois, il s’agissait de comprendre le monde pour mieux le transformer, certes… mais toujours selon la seule grille de lecture autorisée.
Le PS, en inaugurant EMILE, marche étonnamment sur cette ligne : celle où l’éducation se confond avec l’endoctrinement. Et l’ironie, c’est qu’il le fait au nom de la démocratie.
Hier, on se marrait devant une « délégation de très haut niveau » égarée en Corée du Nord. Aujourd’hui, nous découvrons qu’une « école de très haut niveau » s’installe chez nous. La satire de Strip-Tease n’est plus un documentaire : c’est devenu un projet politique.