Le récent choix de Meta d’interdire les publicités politiques sur ses plateformes (Facebook, Instagram…) pourrait apparaître, à première vue, comme une tentative louable de contenir la manipulation en ligne et de protéger les processus démocratiques. Il n’en est rien. Cette décision est non seulement hypocrite, mais surtout contre-productive : elle affaiblit la transparence, marginalise les acteurs politiques légitimes, et offre un boulevard aux influenceurs déguisés et aux groupes d’intérêts opaques.

La publicité politique : un outil de transparence, pas de manipulation.

Contrairement aux caricatures, la publicité politique est un levier d’information et de clarté. Elle permet aux partis, candidats et responsables publics de faire connaître leurs positions, d’expliquer leurs projets et de participer au débat démocratique dans un cadre déclaré, traçable et réglementé.

Grâce aux règles en vigueur (obligation de signaler le commanditaire, la cible, le budget, les formats utilisés…), les citoyens peuvent identifier la source du message, comprendre ses intentions, et exercer leur esprit critique. Supprimer cette possibilité, c’est fragiliser le débat public en supprimant l’un de ses outils les plus régulés.

Une interdiction qui ne fait que déplacer le problème.

Interdire la publicité politique ne fait pas disparaître la communication politique. Elle la déplace dans des zones grises : publications dites “neutres”, campagnes d’influence via des ONG, think tanks, ou groupes d’intérêts “non politiques”… mais lourdement financés pour influencer l’opinion en dehors de tout cadre de transparence.

En d’autres termes, Meta ne supprime pas l’influence : elle la rend invisible, et donc plus dangereuse encore.

Le vrai problème : les comptes anonymes et les armées de trolls.

Plutôt que de s’attaquer à ce qui alimente réellement la désinformation — les comptes anonymes, les fermes à trolls, les faux profils, les campagnes coordonnées et les bots — Meta choisit de frapper là où il y avait encore un peu de lumière et de règles.

Quelle ironie : ceux qui s’expriment à visage découvert, avec un cadre légal et un devoir de transparence, sont muselés. Pendant ce temps, les trolls anonymes peuvent continuer à polluer le débat en toute impunité, exploitant des failles que Meta refuse obstinément de colmater.

Une démocratie sans politique visible : le risque du cynisme et du repli.

Interdire la publicité politique en ligne, c’est renforcer l’idée toxique que la politique serait honteuse, indigne des réseaux sociaux, et qu’elle devrait être reléguée à des canaux marginalisés ou obsolètes.

C’est nier la fonction noble et fondatrice de la politique : organiser la société, arbitrer les choix collectifs, permettre à chacun de faire entendre sa voix. Faire de la politique un tabou numérique, c’est affaiblir le lien social et nourrir la défiance.

Il est temps d’ouvrir une nouvelle ère des réseaux sociaux

Il est plus que temps de redéfinir le rôle des plateformes numériques : elles ne peuvent plus se contenter d’être des espaces permissifs à l’irresponsabilité anonyme.

Ce qu’il faut, ce n’est pas moins de politique, mais plus de responsabilité, de clarté et de transparence. Un Internet où l’on distingue clairement les comptes anonymes, pseudonymes ou vérifiés. Un Internet où les messages politiques sont identifiables, analysables, et débattus dans la lumière.

La démocratie ne s’en portera que mieux.

La politique n’est pas un problème. C’est une solution.

La décision de Meta est une erreur stratégique, éthique et démocratique. Elle trahit une vision technocratique et méfiante du politique, alors que c’est précisément par la vitalité du débat public que nos sociétés pourront affronter les défis à venir.

La politique ne doit pas être exclue du numérique. Elle doit y être renforcée, valorisée, protégée.

Et Meta ferait bien de s’en souvenir.

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